William DELLA ROCCA
Parler bas
pendant que tout le monde hurle.
Philippe Garrel
C’est l’amour de la radio – la passion de mon adolescence – qui m’a mené au théâtre. Autrement dit c’est l’amour des mots et de la transmission qui est l’élément fondateur de ma vocation.
Le théâtre que je ne connaissais que grâce à la télévision, et pour lequel jamais aucun feu sacré n’a brûlé en moi dans mes jeunes années – bien que de nombreux signes avant-coureurs eussent pu prévenir un esprit avisé – est devenu la grande affaire de ma vie, malgré un parcours chaotique qui en aurait découragé plus d’un, mais qui n’a fait que renforcer ma détermination.
Ce cheminement atypique m’a conduit là où je suis aujourd’hui, dans une pratique certes solitaire du métier d’acteur – et bien éloignée d’une profession dans laquelle je n’ai, pour le moment, jamais trouvé ma place – mais dans la très bonne compagnie d’auteurs que je sers avec toute la foi que j’ai en cet art, ou en cet artisanat, devrais-je dire plutôt, car c’est ainsi que j’aime à qualifier ma profession.
A partir de 1980 et durant huit années, à Marseille d’abord puis à Paris, j’ai fréquenté plusieurs cours d’art dramatique. Je n’y ai quasiment rien appris – ma plus grande école fut toujours, et est encore, d’observer les autres, sur scène et à l’écran, ou plus simplement dans la vie quotidienne – mais j’y ai fait quelques rencontres déterminantes. La plus importante fut celle de Julien Duprez, mon premier professeur, qui a vu en moi ce que je n’étais pas même en état de soupçonner et qui m’a en quelque sorte autorisé à ne pas renoncer. J’ai souvent pensé à lui toutes les fois où j’ai dû traverser les affres du doute, et sa bienveillante confiance en mes capacités est encore aujourd’hui un encouragement à toujours persévérer.
Mes débuts sur scène eurent lieu à Marseille en 1982 où je fus distribué dans des pièces de Jean-François Regnard et de Molière avant d’être engagé par Richard Martin dans la grande aventure de L’Opéra des rats monté au Théâtre Toursky sur un texte de Léo Ferré et une musique de Leda Atomica.
J’arrivai à Paris fin 1983, plein d’espoir et de candeur. Je dus attendre 1987 pour fouler à nouveau les planches, sur lesquelles je fus l’interprète d’œuvres d’Edward Albee, Harold Pinter et Oscar Wilde. Je participai à la création de la compagnie Le Petit Théâtre, fondée par André Loncin et Anne-Marie Collin, que je quittai en 1991 après la création en France de la pièce Y a-t-il des tigres au Congo ? de Bengt Ahlfors et Johan Bargum.
Je suivis divers stages, dirigés notamment par Marie-Françoise Audollent, Sylvain Maurice ou Eugene Green, puis fis la connaissance d’Anouch Paré avec laquelle je créai la compagnie Les Allumettes Associées. Nous collaborâmes jusqu’en 1996 et participâmes en 1994 au Festival Off d’Avignon avec notre création la plus notable, intitulée Tapatoudi, qui était un hommage enjoué à la langue française. J’interprétai également, sous la houlette d’Anouch, qui est restée une amie chère à mon coeur, des textes de Robert Arnauld d’Andilly et de Max Jacob ainsi que, plus tard, le personnage du Boucher dans des lectures publiques de sa pièce A mort la viande !
Après avoir été l’interprète, avec un plaisir immense, d’une pièce de Marivaux, Les Sincères, je décidai de faire une pause et de me consacrer à l’écriture de scénarios. Je ne revins sur scène qu’en 2004, invité par mon ami Nazareth Agopian à incarner le personnage délectable de Claudia dans sa pièce Femmes seules dans la Galaxie que nous avons jouée pendant plus de deux mois au Guichet Montparnasse.
L’idée de me produire seul en scène m’avait souvent traversé l’esprit, et Anouch m’avait d’ailleurs proposé de dire la nouvelle de Dostoïevski, Polzounkov, mais je m’en sentais alors incapable. C’est ma découverte de Jean-Jacques Rousseau, au printemps 2006, qui m’a incité à sauter enfin le pas.
Je décidai d’adapter et d’interpréter ses Confessions sous la forme d’un feuilleton théâtral au long cours et la première représentation eut lieu le 8 février 2007 sur la petite scène d’un merveilleux théâtre d’appartement, rue Saint-Honoré, tout près du Louvre, du Palais-Royal et de la Comédie-Française.
L’accueil que mes premiers spectateurs m’ont réservé a fait basculer ma vie dans une autre dimension à l’intérieur de laquelle j’ai trouvé ma place et m’épanouis depuis, en marge d’un monde du spectacle, commercial ou subventionné, qui, jusqu’à présent, ne m’a pas accueilli.
Saint-Simon, Victor Hugo, Bossuet et d’autres grands écrivains ont étoffé mon répertoire et j’ai eu, en décembre 2020, la surprise d’être nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le Ministère de la Culture, à l’initiative de personnes bienveillantes qui m’encouragent à me porter vers de nouveaux projets toujours au service de la littérature et du théâtre.
Ma compagnie se nomme Les Beaux Esprits.
≈ les beaux esprits ≈ est une compagnie théâtrale qui se consacre essentiellement
à l’adaptation pour la scène d’oeuvres littéraires du patrimoine français et international.
Les divers spectacles et lectures qu’elle produit sont conçus pour être représentés partout,
sous certaines conditions qui peuvent être communiquées sur demande : dellaroccawilliam@gmail.com
Quand on vit ainsi avec les grands esprits,
il y a forcément un peu de poussière d’or qui retombe sur vous.
Michel Bouquet