SPECTACLES

« Au printemps 1991, je postulais auprès du Théâtre du Campagnol pour participer à un stage dirigé par la comédienne Marie-Françoise Audollent et intitulé Initiation à la lecture en public. Chaque candidat devait auditionner et je fus reçu très chaleureusement par Marie-Françoise et Agnès Troly, l’administratrice du théâtre. Il fallait lire à vue un certain nombre de textes dont la difficulté augmentait graduellement. Comme tout se passait bien, Marie-Françoise me proposa, pour conclure, de lire un extrait d’une Oraison funèbre de Bossuet, et je compris, à la manière dont elle me le présenta, qu’il était très difficile, que très probablement je n’y arriverais pas, mais que ce n’était pas grave puisque, quoi qu’il advint, j’étais admis. C’est donc avec confiance et sans appréhension que je me mis à lire ce texte, que je ne connaissais pas davantage que les précédents, et que je me laissai tout à coup emporter – le mot n’est pas trop fort -, sans même chercher à comprendre le sens de ce que je disais, par la puissante musique de cette langue incroyable, qui paraissait avoir sa vie propre, et qui m’emmena jusqu’au dernier mot sans le moindre accident. J’eus alors l’impression très étrange d’atterrir et que quelque chose de plus grand que moi venait de m’habiter durant ces quelques minutes. J’en fus le premier interloqué et le silence qui suivit la fin de ma lecture, et surtout la manière dont les deux femmes se regardèrent, l’air heureusement étonné, me confirma que quelque chose d’inhabituel, pour elles aussi, venait de se passer. »

Extrait de « Jean-Jacques et moi, cheminements d’un comédien solitaire ». À paraître.

Depuis ce jour, le sentiment de devoir m’acquitter d’une dette de reconnaissance envers Bossuet ne m’a pas quitté. C’est chose faite depuis le 27 janvier 2023 et j’ai fait entendre la fameuse Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre à cinq reprises dans des salons parisiens et rémois.

J’espère désormais pouvoir me produire dans des églises où ce texte exceptionnel, admiré pour ses qualités littéraires aussi bien par Chateaubriand que par Paul Valéry, prendra sans aucun doute toute sa dimension, qui n’est pas seulement religieuse.

« L’Oraison funèbre de la duchesse d’Orléans est la plus étonnante par ce qu’elle est entièrement créée de génie.(…) Bossuet à bâti un des plus beaux monuments de l’éloquence. »

Chateaubriand, Génie du christianisme.

 William della Rocca

Monseigneur Bossuet est habillé par Claire Châtaigner.